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L'universel et l'exception, par Anne Guillam

L’exception et l’universel
Je suis en charge aujourd’hui de parler de la « petite différence », leçon 1 du séminaire … Ou Pire, du 8 décembre 1971, ce à partir de ma question : « l’exception et l’universel ».
C’est à l’exception que je m’intéresse, ce dans une perspective clinique. En effet, l’exception fait partie du quotidien de la clinique : on entend tous les jours des sujets qui parlent d’exception, qui rêvent d’occuper des positions d’exception ou encore qui incarnent l’exception. Pouvoir entendre l’exception, en éclairer son statut avec la nouvelle logique lacanienne me semble pouvoir être riche d’enseignement pour le psychanalyste. Ces positions d’exception sont-elles issues d’identification symbolico-imaginaires ou au contraire conséquences d’une impossibilité de s’identifier ? Sont-elles une conséquence de la sexuation du sujet ?
L’au-moins-Un
 Si on prend la question de l’exception par la logique, celle-ci trouve à se loger dans le concept « d’au moins un » qu’il fonde en écrivant les formules de la sexuation, dont la formalisation intégrale apparait dans ce séminaire …ou pire. Avec les formules de la sexuation, Lacan nous introduit à une nouvelle logique, qu’il emprunte à la théorie mathématique des ensembles, afin d’en cerner les impasses. Ce qu’il vise, c’est le réel, toucher au réel de la psychanalyse par la voie de la logique, lequel s’affirme dans ses impasses. Ce réel n’est autre que ce qu’il énonce sous la forme du « il n’y a pas de rapport sexuel », qu’il met au fondement de tout discours. Par la voie de la logique, Lacan entend revenir au trou du système et il va le cerner tout d’abord au travers du paradoxe logique que comporte l’exception et l’universel. Nous sommes du côté homme des formules.
Qu’est ce que l’au-moins-un?
-L’au moins un, Lacan va en faire un concept central dans la sexuation et il va s’y référer tout au long du séminaire.
-L’au moins-un : c’est une écriture : c’est l’écriture de il existe un x qui dit non à la fonction phi(x), phi(x) étant la fonction de castration.
-L’au moins-un : c’est à la fois une nécessité, une existence, une négation et un Un
Une nécessité en ce que c’est parce qu’il existe un x en référence à cette exception, que tous les autres peuvent fonctionner. C’est une nécessité qui se pose comme condition du possible. L’exception est nécessaire au fonctionnement de l’universel phallique.
Une existence : Ce qui existe ici c’est le dire, un dire. Lacan met le dire du côté de l’existence, alors que les dits, les énoncés sont à situés du côté de la vérité, elle tjs mi dite.
Couplée à la négation : cette existence est un dire que non. Ce qui est nié c’est phi de x, c’est-à-dire la castration. Il en existe au moins un pour qui ça ne fonctionne pas cette affaire de castration, un pour qui la vérité de sa dénotation ne tient pas dans la fonction phallique, grâce à quoi est rendue possible l’existence de l’homme comme valeur sexuelle : le x du pour tout x phi(x)
 Enfin c’est un Un : Un x qui dit non : ce x là, nous dit Lacan , c’est le père.
Ainsi l’au-moins-un c’est le nom qu’il donne à la fonction paternelle dans cette nouvelle logique. Dans la théorie de la métaphore paternelle, Lacan avait forgé le NDP. Dans la nouvelle logique, il forge l’au-moins-un.
Logification de l’oedipe
Comment en arrive-t-il là Lacan ? C’est qu’il s’est rendu compte que le complexe d’oedipe n’était ni plus ni moins qu’un rêve : un rêve de Freud. Faisant retour aux mythes freudiens : oedipe, moise et le père de la horde, (sém 17, ch 7), l’entreprise lacanienne consiste à analyser le complexe d’oedipe afin de passer du mythe à la structure, c’est-à-dire d’extraire du mythe ses opérateurs structuraux et les fixer dans des formules. C’est ainsi qu’il s’essaye à l’écriture de formules de la sexuation dès le séminaire 17 ( chapitre 8 « l’homme la femme, la logique », en mai 1971) qui trouveront leur écriture aboutie dans … ou pire.
Lacan revient en particulier sur le mythe de Totem et tabou, cette histoire du père originel, ce père bestial qui jouissait de toutes les femmes et que les fils ont trucidé. Lacan nous dit, ce mythe, c’est un rêve de Freud et comme tel, c’est un rêve de névrosé. C’est un rêve qui fait croire à une jouissance originelle perdue.
Quels opérateurs va-il extraire du mythe ?
-Lacan y décèle dans l’équivalence du père mort et de la jouissance l’opérateur du père symbolique.
-Se décalant de Freud qui mettait l’accent sur le meurtre du père, Lacan se centre sur l’énoncé du mythe en tant qu’énoncé de l’impossible : impossible que le père mort soit la jouissance, impossible que le père jouisse de toutes les femmes en ce qu’il n’y a pas de tout des femmes puisqu’il n’y a pas possibilité de dire La femme.
Cet énoncé de l’impossible, Lacan y reconnait l’opérateur structurel du père réel qu’il fait équivaloir à ce qu’il appelait dans le séminaire 4, l’agent de la castration. Ce réel que c’est le père mort qui a la garde de la jouissance, c’est de là que part l’interdit de la jouissance, de là qu’elle procède. D’où cette façon de dire la castration : la castration est la fonction symbolique ne se concevant de nulle part d’autre que de l’articulation signifiante ( p 144).
-Enfin, il y a la dimension du rêve en lui-même, de la névrose : le père de la horde est en lui-même un évitement équivalent de la castration et un idéal. Le névrosé c’est ce qui définit l’évitement de la castration, selon deux modalités :
Le névrosé obsessionnel se dérobe à la formule il n’y a pas de x qui existe qui puisse s’inscrire dans la variable phi(x) : l’obsessionnel se dérobe de ne pas exister, il est dans la dette de ne pas exister au regard de ce père non moins mythique de totem et tabou, lequel père donne son essence au surmoi, à cet appel comme tel à la jouissance pure, càd à la non-castration. (p 177).
L’hystérique quant à elle exige l’au-moins-un pour le châtrer, elle cherche un maître sur qui régner. Pour elle, le père c’est le maitre, c’est le signifiant maître. En châtrant le maître, elle évite la castration l’universalisant du côté du partenaire. C’est au principe même de sa possibilité de jouissance. Ce faisant, elle articule que pour ce qui est de faire le tout homme, elle est aussi capable que le tout-homme lui-même, à savoir par l’imagination. Tout cela en passe par le fait qu’elle croit, l’hystérique à l’organe, en ce qu’il y en aurait un qui en serait détenteur. Lacan dit ça comme ça « la jouissance sexuelle n’a pas d’os (un homme, une femme, la logique : d’un discours…). Mais l’hystérique s’accorde de ceux qu’elle feint être détenteurs de ce semblant, l’au-moins-un qu’il faut à sa jouissance pour qu’elle puisse le ronger » (p 153).
Vous reconnaissez là l’hommoinzune d’erreur dont Lacan parle dans cette leçon 1 d’…ou pire. Si c’est comme signifiant que nous nous sexuons, si la petite différence, les parents ne la reconnaissent qu’en fonction de critères formés sous la dépendance du langage, à savoir que la castration ne tient qu’au fait que nous soyons des êtres parlants, qu’est ce qui fait alors que cette petite différence est détachée comme organe ? Lacan nous dit C’est qu’il y en a une qui se trompe, à rendre « consistant le naturel » p 15, cette une c’est l’hystérique.
Pour conclure : un pas vers l’Un, De l’au-moins-un à l’Un
Le mythe d’oedipe instaure la primauté du père, Lacan fait apparaitre par où la castration peut être serrée d’un abord logique et d’une façon numérale. Par logique numérale, on approche là la série des nombres entiers et la fonction du Un.
En effet, le père castré, s’en retrouve réduit à un numéro, à un zéro. C’est ça le meurtre du père, on le réduit à zéro. C’est un zéro le père et ce n’est pas rien car il faut le zéro pour poser le successeur, et fonder la possibilité d’une chronologie, d’un ordre. Le père se situe au point d’origine de l’ordre, là où la mère dans sa lignée est innombrable, parce qu’il n’y a pas de point de départ de la mère.
Avec le concept d’au-moins-un, d’exception logique, Lacan invente le terme d’unien qu’il distingue de l’unaire. La bifidité de l’Un entre l’unaire et l’unien est ce que recèle la formule Y’a d’lun.
L’Un de l’Au-moins-Un, c’est un Un qui ne s’inscrit pas dans la succession du zéro mais comme lui-même surgissement du vide. L’unien désigne le mode par lequel l’unaire comptable se relie au vide.
L’Un issu du zéro, inaugure la possibilité pour un sujet de s’inscrire dans la chaine symbolique de la succession du zéro. Cette exigence qu’il y ait au moins-un un homme, rien ne l’impose dit Lacan, sinon la chance, unique de ce que quelque chose fonctionne sur l’autre versant, mais comme un point à atteindre, comme possibilité de tous les hommes d’y atteindre. Comment ? Par identification. Il n’y a là que nécessité logique qui ne s’impose qu’au niveau du pari. Revenant au pater familias, Lacan ajoute : ce qu’on peut exiger du père, ce n’est pas qu’il se prenne pour un législateur, pour le père de la loi (ça, c’est le père de Schreber) mais plutôt que ce soit un père qui épate, qui épate la famille (…ou pire).

Avec le concept d’au-moins-un Lacan éclaire ce que l’Un doit au zéro et formalise un point de coincement qui n’est autre que le nœud entre réel, symbolique et imaginaire effectué par la fonction paternelle dans la névrose. L’Un de l’au-moins-un trouvera plus tard sa métaphore dans le nœud borroméen (dès le séminaire suivant : Encore).

Anne Guillam, mars 2012