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Avec le cartel : tisser un fil qui noue avancées cliniques et théoriques, décembre 2012, Anne Guillam

Avec le cartel : tisser un fil qui noue avancées cliniques et théoriques, par Anne Guillam, décembre 2012

Je vais essayer de témoigner dans les grandes lignes de mon trajet jusqu’au cartel et dans le cartel.
J’ai rencontré la psychanalyse, plus exactement la théorie psychanalytique lacanienne, à l’université pendant des études de psychologie.
Sortant d’une première formation scientifique soldée par l’obtention d’un doctorat en chimie, je me suis trouvée exaspérée, c’est le mot, par l’absence de rigueur et de consistance des théories psychologiques qui se revendiquaient de la science à l’université.
En revanche, avec Freud relu par Lacan, je rencontrais la théorie que j’attendais : l’hypothèse au fondement de la psychanalyse était clairement énoncée : l’humain se distinguait de l’animal parce qu’il parlait et Lacan allait en tirer les conséquences logiques, sans jamais dévier de ce point de départ. Cette rigueur me donna confiance, installant par là un solide transfert à la psychanalyse.
Mais surtout, sur un plan plus subjectif, plus personnel, Lacan me parlait et parlait de moi : je me reconnaissais dans la théorie du sujet divisé, séparé de sa jouissance, et ces petites phrases : « il n’y a pas de métalangage », « il n’y a pas de rapport sexuel » sonnaient juste, elles m’intriguaient, me percutaient, sans que je comprenne pourquoi.
J’ai commencé mon analyse à ce moment-là, chez une analyse lacanienne, lui supposant un savoir qui m’aiderait à alléger mes symptômes. Je suis devenue psychologue puis psychanalyste.
J’en arrive au cartel.
Comment se sert-on de son propre cas pour accompagner des sujets qui viennent consulter, rencontrer un analyste ? Comment ne pas opérer à partir de son propre fantasme, de ses propres principes, valeurs, idéaux etc. ? Comment orienter l’analyse d’un autre par essence toujours différent de soi ?
Bien sûr il y a l’analyse et le contrôle (ou supervision individuelle). Mais ça n’est pas suffisant, il y a aussi cet « entre deux » que je situe dans le recours à une théorie, à savoir une référence stable extérieure à soi permettant de s’orienter dans la pratique : c’est pour moi la théorie lacanienne prise dans ses évolutions et ses renouvellements, produits par le travail d’une école de psychanalyse.
Comment la théorie vient-elle à soi ? Il y a bien sûr la transmission opérée par les enseignements de type universitaire ou par la lecture autodidacte, permettant la rencontre avec les signifiants de la psychanalyse et les concepts. Mais il y a surtout l’élaboration de savoir, c’est-à-dire ce savoir qui s’élabore, se créée à partir d’une question singulière, laquelle guide la traversée des concepts et s’articule intimement à la subjectivité de celui qui est au travail. Ce savoir qui s’élabore n’est pas séparé de celui qui l’élabore, c’est en cela qu’il est directement articulé à l’analyse et au contrôle. C’est en cela aussi que c’est un savoir qui n’est pas scientifique, car indissociable de la singularité du sujet.
Le cartel est pour moi le dispositif qui cadre, encadre et stimule cette élaboration de savoir : il est constitué autour d’un projet commun fondant le petit groupe de quatre , cinq ou six (lire un séminaire, travailler un aspect de la théorie…), chacun y formule sa question singulière, et le dit « plus-un » représente cet élément interne-externe au groupe qui veillera aux avancées de chacun. Le plus-un est un élément fonctionnel, un opérateur nécessaire pour la mise au travail. Les rendez-vous réguliers, l’engagement d’y être, de s’y tenir, vis-à-vis de soi-même, des autres cartellisants et de l’école où le cartel est déclaré, ainsi que la dimension d’adresse du savoir qui s’y produit, sont une forme d’exigence minimale, de moteur pour que quelque chose se mobilise chez celui qui s’y inscrit. C’est ainsi un dispositif qui accueille, encadre, canalise et booste mon désir d’étudier la psychanalyse.
J’ai participé à trois cartels jusqu’à aujourd’hui.
Le premier m’a été proposé par le plus-un lui-même lors de mon entrée à l’Association de la Cause Freudienne qui était alors délégué régional de l’ACF. Il a beaucoup compté non seulement parce que c’était le premier mais surtout parce que cette proposition de cartel faisait écho à ma demande d’intégrer l’ACF pour rejoindre une communauté de travail. Ca m’a enthousiasmée. Intégrer l’ACF ça n’était pas une histoire d’en être, d’appartenir à un groupe mais bien de s’y mettre, à l’étude de la psychanalyse, qui plus est dans un lien étroit à l’école. Ce fut un cartel dit « fulgurant » sur « comment on devient analyste au 21ème siècle », qui était le thème annoncé des journées de l’école. Fulgurant, c’est-à-dire : 3 mois, environ 6 séances.
J’ai travaillé sur « finitude et infinitude de l’analyse » et cherché à isoler les points de butée freudiens à la terminaison de l’analyse prenant appui sur un texte de Freud de 1936 pour traiter cette question : « analyse avec fin et sans fin ». Pourquoi cette question ? Sans doute parce que je commençais à m’interroger sur la fin de l’analyse que mon expérience analysante me laissait vaguement entrevoir.
Freud isole « le roc de la castration » comme point de butée à la fin de l’analyse, ce point structural commun pour lui aux deux sexes, homme et femme, qu’il nomme « refus de féminité ». Le roc rencontré par Freud tient au fait qu’il n’a pu dépasser le primat du phallus.
Et Lacan alors ? Comment conçoit-il la fin de l’analyse ? Telle a été la seconde question que je me suis posée dans la continuité de ce cartel, à laquelle j’ai tenté de répondre dans un travail pour le séminaire interne de l’ACF, sur l’autorisation de l’analyste qui est un choix comme le choix du sexe. Pour ce second travail, je re-découvre les formules de la sexuation, notamment dans la lecture approfondie du texte « l’étourdit ». J’en avais entendu parlé, mais là je vais commencer à les « dépiauter ». Lacan, écrit logiquement un côté homme et un côté femme, alors que Freud n’avait pas pu distinguer l’homme de la femme.Prenant appui sur un dire « qu’il n’y a pas de rapport sexuel », Il déduira pour la femme «qu’ elle n’est pas toute phallique ». Cette nouvelle écriture lui permet de formaliser autrement la fin de l’analyse, et l’autorisation comme analyste. En effet, s’autoriser comme analyste, est à distinguer d’être « nommé à » une fonction, une place et la position de l’analyste comme semblant d’objet n’est pas sans lien avec la position féminine. Dépiauter les formules de la sexuation a nécessité pour moi un détour vers la théorie mathématiques des ensembles, dont l’universel se fonde sur une exception alors que l’ensemble ouvert, lui compte ses éléments au un par un.
Dans un second cartel, ainsi constitué que nous étions deux à désirer travailler ensemble et que nous en avons cherché trois autres, il s’est agi de lire le séminaire le sinthome. Ce cartel va s’étendre sur une bonne année, nos rencontres sont mensuelles. J’y retravaille la question de la sexuation, tentant de saisir comment Lacan l’appréhende à partir de la conception borroméenne de l’appareil psychique, c’est-à-dire de la perspective des nœuds. L’homme et la femme s’y distinguent en tant que dans leur relation, la femme est dite symptôme et l’homme ravage. Je suis marquée par la page 110 du séminaire où je retrouve la référence explicite à la théorie des ensembles : le couple est présenté comme un ensemble constitué de l’ensemble vide (la femme ne constitue qu’un ensemble, au sens où elle n’existe pas) et de l’ensemble à un élément. Autrement dit le couple, qu’on croit de l’ordre du deux, nécessite de compter jusqu’à trois.
J’y découvre aussi l’abord lacanien du père conçu comme symptôme, opérant un nouage particulier entre réel, symbolique et imaginaire : le père, c’est le nœud de la névrose, à distinguer d’autres formes de nouage qu’un sujet psychotique peut inventer.
Dans un troisième cartel, centré sur la lecture du séminaire …ou pire, je pose la question de l’exception et l’universel, une fois encore centrée sur l’études des formules de la sexuation, cette fois, sur ce point particulier qu’est l’exception au tout phallique, côté homme : l’au-moins-un. Dans ce séminaire où Lacan avance la formule « y’a d’l’un ». Je me demande si ce « un » de l’au-moins-un a quelque chose à voir avec ce « un » de la formule. Je découvre que « oui » et « non », qu’il y a le Un de l’unien et le Un de l’unaire, que l’au-moins est le nom que Lacan donne à la fonction paternelle dans cette logique du tout et du pas-tout, côté tout. Avec le concept d’au-moins-un Lacan éclaire ce que l’Un doit au zéro et formalise un point de coincement qui n’est autre que le nœud entre réel, symbolique et imaginaire effectué par la fonction paternelle dans la névrose. L’Un de l’au-moins-un trouvera plus tard sa métaphore dans le nœud borroméen. Vous voyez là que cette lecture a été largement orientée par ce que j’avais découvert dans le séminaire le sinthome, séminaire étudié avant le séminaire 19 mais ultérieur pour Lacan. J’y découvre aussi que dans la névrose, l’exception est un mythe, un fantasme, elle se repère par exemple dans la position hystérique qui croyant à l’homme, le vrai, le viril comme la bête de la horde, s’incline à l’imiter. Elle est à distinguer des positions d’exception qui se rencontrent dans la psychose comme exception incarnées, retour dans le réel de ce signifiant Nom-du-père forclos du symbolique. Ce travail sera pour moi riche d’incidences cliniques.
Il m’a permis d’avancer d’autres réflexions, sur l’amour notamment, de fonder la différence entre manque, côté castration et trou côté féminin, me permettant de les nommer, les articuler ce que j’ai rencontré dans ma propre analyse.
A vous dire cela, je réalise que tout ce parcours de cartel en cartel tournant autour d’ «  il n’y a pas de rapport sexuel » et des formules de la sexuation comme distinction logique de l’homme et de la femme, vous révèle le fond de la question qui a orienté mon analyse cette question à la fois universelle et si singulière : « qu’est-ce qu’une femme » ?